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Les 28 et 29 novembre 2024, le Conseil d’Etat français et l’ACA-Europe ont organisé un séminaire portant sur « la déontologie et le recrutement des membres des cours administratives suprêmes et des conseils d’État ». Ce colloque est le quatrième de la présidence finlandaise, après les colloques d’Inari en mai 2024, de Zagreb en février 2024 et de Stockholm en octobre 2023. Ce séminaire a eu la particularité d’être organisé à Versailles, un lieu unique et historique pour l’Europe, qui a vu naître le début de la Révolution française, la fin de la monarchie absolue et la signature du traité de paix avec l’Allemagne et ses alliés en 1919, marquant la fin de la Première Guerre mondiale. Plus de soixante participants s’y sont réunis : des représentants des conseils d’État et juridictions administratives suprêmes des États membres de l’ACA-Europe, de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et des États ayant le statut d’invité ou d’observateur de l’association. Sur un modèle dit de « Stockholm », basé sur des interventions spontanées, courtes, profitant à des discussions vivantes et fluides, les participants ont pu s’interroger sur la déontologie et le recrutement de ceux de leurs membres. Ces sujets les ont conduits à questionner leur organisation et leur fonctionnement, leurs forces et faiblesses, alors que la justice et les juges qui la rendent font l’objet d’une attention accrue du public. Un rapport général a été élaboré dans un premier temps, sur la base d’un questionnaire auquel ont répondu 32 des institutions participantes, permettant de souligner les difficultés communes et isolées, d’éventuelles solutions, de comparer les cadres législatifs et la jurisprudence. Ce rapport est disponible sur le site Web de l’association. Le séminaire a ensuite permis aux participants d’échanger leurs savoirs et informations, leurs questionnements et réponses au cours de trois tables rondes. Les deux premières ont traité de la déontologie, la première portant sur la forme, c’est-à-dire la nature des règles déontologiques, leurs modes d’élaboration, leurs portées, leurs effets, la seconde sur le fond, c’est-à-dire sur le contenu de ces règles. La troisième et dernière table ronde a porté sur le recrutement des magistrats administratifs, les voies d’accès, les critères principaux de recrutement et les difficultés rencontrées lors de ces recrutements. Ces discussions se sont ouvertes sur les mots du vice-président du Conseil d’Etat français, M. Didier-Roland Tabuteau, qui a rappelé qu’à « une période où l’Etat de droit est attaqué, où les juges sont malmenés, il s’agit aussi de discuter de ce qui fait notre force pour que les institutions résistent. Car l’Etat de droit, aujourd’hui plus que jamais, est essentiel pour l’avenir des nations et de l’Europe. » La première table ronde sur le cadre institutionnel de la déontologie a conduit à des débats sur les sources, la forme et la portée des règles déontologiques chez les Etats participants. Les participants se sont interrogés sur l’institutionnalisation de la déontologie, sur la nécessité d’un code de déontologie écrit et sur l’auteur de ce code. Ils ont également abordé les questions du caractère obligatoire des règles déontologiques, de la distinction entre celles-ci et les règles disciplinaires et sur la portée des règles déontologiques, à savoir si leurs champs d’application s’étendaient aux juges du fond et aux membres des sections contentieuses et consultatives. Cette première table ronde fut également l’occasion de considérer la formation d’un organe spécial en charge du respect des principes déontologiques comme tiers garant des décisions. La deuxième table ronde a permis aux membres de l’ACA de présenter les principes et règles de fond composant leurs régimes de déontologie. Une première discussion fut engagée autour du principe de probité et de la distinction entre la gestion par un juge de son propre patrimoine et un statut d’entrepreneur, en délicatesse avec les principes déontologiques. Les débats ont ensuite porté sur les principes d’indépendance et d’impartialité, notamment sur la possibilité pour un magistrat de siéger dans des affaires impliquant une personne publique dont il avait été l’employé, puis vers le sujet de la neutralité religieuse et académique et ses limites. Les participants ont souligné en conclusion l’importance de l’indépendance, de l’impartialité et de la neutralité de la justice administrative envers les usagers pour le maintien de la confiance de ceux-ci envers le service public de la justice. La troisième table ronde sur les modes de recrutement des magistrats administratifs fut d’abord l’occasion de considérer les voies d’accès à la magistrature et les critères de sélection. Les participants ont noté l’importance de la diversité des origines professionnelles des juges, les difficultés générales de recrutement, particulièrement le recrutement de juges provenant de différents milieux sociaux et remplissant les critères d’égalité des genres. Enfin, fut abordée la question du rôle des pouvoirs législatif et exécutif dans le processus de sélection des juges administratifs. Ces échanges sur les sujets passionnants que sont la déontologie et le recrutement en ce qu’ils représentent des difficultés quotidiennes pour les participants démontrent que l’ACA-Europe est devenue une enceinte privilégiée et le cadre régulier d’un dialogue entre les magistrats des cours administratives suprêmes européennes. Son prochain séminaire se déroulera à la Haye, en mars 2025, et sera coorganisé par le Raad van State, le Conseil d’Etat néerlandais, et par le Conseil d’Etat belge. |